Zoom sur Baddies du rap, exposition portée par Medusyne à Bordeaux pour afficher les inégalités femmes-homme dans la scène hip hop hexagonale. Un projet qui fait suite à la production d’une étude portée par le collectif bordelais aux côtés du Centre national de la musique.
Crédit photo de couverture : Kkyato
En 2022, Madame Rap, média dédié à la visibilité des rappeuses et artistes LGBTQIA+ dans le monde, publiait un rapport saisissant : 405 rappeuses y étaient recensées en France. Un chiffre modeste dès lors qu’on considère son pendant masculin.
L’écart est palpable lorsque l’on interroge le grand public sur ses goûts musicaux. Les rappeurs cités sont nombreux, à l’image de la diversité des genres (trap, drill, etc.). En ce qui concerne les rappeuses, ce sont souvent les mêmes noms qui reviennent. Une uniformisation illustrant le manque de représentation des femmes au sein de la scène rap. Dès lors, comment synthétiser ces inégalités ? C’est précisément la question à laquelle répond une étude portée par le Centre national de la musique (CNM) avec le collectif Medusyne.
Des chiffres incarnés par des visages
C’est à la suite d’un appel à projets du CNM en faveur de l’égalité femmes-hommes que le collectif Medusyne obtient un financement pour documenter la place des femmes dans les musiques actuelles, avec un focus sur le rap. Un projet en plusieurs temps, qui prend également le temps d’évoluer dans l’espace public.
Le cœur du projet repose donc sur un rapport d’enquête répondant à une question centrale : quelle place les figures féminines occupent au sein de la scène rap française depuis dix ans ? Mené par Yelena Kohe, le rapport Reconfigurations et (in)visibilité des femmes dans le hip hop français révèle des chiffres à travers des infographies parlantes. On peut par exemple citer qu’en 2022, seulement 14 % des artistes programmé·es dans les festivals français sont des femmes, ou encore que moins de 5 % des beatmakers référencés par l’étude sont des femmes.


C’est de ce rapport que découle une exposition dans l’espace public, proposée à Bordeaux du 15 au 29 septembre, place Gambetta. Huit portraits de rappeuses y sont présentés, réalisés par quatre photographes. Les données de l’infographie susmentionnée y seront également proposés, pour fournir des données clés sur le sujet. Une manière concrète d’humaniser les statistiques et de rappeler que derrière des chiffres se trouvent des trajectoires, souvent freinées par un système structurellement empreint d’inégalités.
Des techniciennes aux graphistes, l’exposition braque les projecteurs sur ces parcours souvent invisibles et affirme leur légitimité. Une manière également de donner confiance à celles qui n’ont pas encore osé, mais qui envisagent de se rapprocher de cette industrie. L’idée d’une exposition à ciel ouvert dans un lieu public permet par ailleurs d’offrir l’accès aux œuvres à une diversité de publics de manière gratuite.

Étendre ses recherches
Pour prolonger l’exposition, le collectif Medusyne organisera, en partenariat avec le MEWEM, une table-ronde programmée lors des Journées du Patrimoine et du Matrimoine du 20 et 21 septembre. Elle sera suivie d’un concert rap au plateau 100 % féminin. Une manière de poursuivre la réflexion et d’ouvrir un espace de discussion sur les enjeux de représentativité et d’inclusion dans la scène hip hop française.
Cette prolongation se poursuit également à travers la préparation d’une bande dessinée d’une douzaine de pages, à destination des collégien·nes et lycéen·nes (13-17 ans) illustrant les chiffres clés du rapport d’enquête mentionné précédemment. En 2021, 78 % des 14-24 ans écoutaient du rap français. Malgré tout, comme le montrent les données de Madame Rap évoquées plus haut, peu de jeunes filles se projettent dans cette scène, car il reste difficile de s’imaginer y faire sa place, notamment par manque de modèle. En mettant en lumière les parcours de différentes personnalités de l’ombre du monde du rap, Baddies du rap contribue à renverser les représentations. Et à inspirer les artistes et actrices qui façonneront l’avenir de ce paysage musical.