Rencontre avec le producteur Insomni Club, à l’occasion de la sortie de son dernier projet, Little Somni. Un album, mais surtout un univers explorant une trance colorée, percutante et dansante, à découvrir au festival UDADA le 17 juillet prochain.
Le producteur néo-aquitain Insomni Club, désormais bien installé sur la côte basque, dévoilait le 20 juin dernier un album trance aux multiples facettes . Quasiment un an après Aqua, son deuxième album, l’artiste revient avec de fraîches et nouvelles compositions, s’aventurant ici sur une nouvelle thématique musicale.
Un coup de cœur pour le compositeur avec la trance qui donne donc naissance à Little Somni. Plus qu’un simple album, c’est l’histoire d’un personnage, d’un avatar, évoluant dans un monde à la fois dystopique mais aussi plein d’espoir. Une invitation à voyager dans une trance colorée, imagière et rêveuse, à la fois percutante et dansante, qui prend sa source dans certains classiques du genre. Un univers singulier, loin de ses précédentes productions, qu’il nous explique ici en entretien.
Le Type : Salut Insomni Club ! Comment est née l’idée de ce nouveau projet ?
Insomni Club : En général dans la musique, j’aime me lancer des défis et diversifier les styles, comme par exemple sur mon ancien album Aqua, où j’avais composé « 1999 », un morceau à la fois acid et trip hop, ou même le reggae que j’avais exploré sur d’anciennes compositions.
Avec Little Somni, tout part réellement de l’achat d’un synthé, le Supernova II de Novation, dont mon ami Eddie me parlait depuis un moment. Je l’ai acheté en décembre dernier. C’était mon premier achat que je considère comme « quali » ; une sorte de classique, un objet des années 1990 ou 2000 dans un budget accessible mais plutôt sérieux.
C’est un instrument électronique assez polyvalent avec lequel tu peux autant jouer de l’eurodance que de la trance ou autre, avec un grain vraiment particulier.
Pourquoi ce choix d’explorer la trance dans ce nouveau projet ?
En arrivant à Biarritz, je me suis fait de nouveaux potes avec qui j’ai monté un petit collectif qui s’appelle Todo Baïne. On voulait vraiment pouvoir passer des musiques que l’on aime et depuis on s’amuse à faire des remixes, organiser des petites teufs au bord de la plage ou dans des endroits que l’on aime bien.
Avec cette émulsion de nous trois, j’ai découvert de nouveau styles, je me suis un peu plus ouvert et j’ai commencé à écouter de la trance. J’ai eu le synthé en décembre et je me suis mis dans un tunnel. Je n’ai pas décroché à partir de ce moment-là.

J’ai eu une phase ultra inspirée. J’étais trop heureux de réussir à recréer des mélodies que j’avais entendu depuis toujours. C’était ultra satisfaisant d’avoir accès à ça.
Insomni Club
Comment s’est déroulée la production ?
J’ai commencé à composer dans une grande maison à la campagne chez mon père, un peu isolé, car je devais recevoir une pièce défectueuse du clavier. Je pensais y rester 3 semaines et finalement je me suis mis non-stop sur le clavier, j’y suis resté jusqu’à mi-février.
J’ai travaillé différemment d’avant, je faisais souvent l’erreur de tester des choses sur un instrument, sans penser à enregistrer ! Là je me suis mis à tout sauvegarder instantanément pour ne pas oublier quand je compose quelque chose de cool. Au bout de dix minutes il y a déjà le titre « Supernova1 » qui est sorti. Tout est arrivé très rapidement et finalement toute la tracklist de l’album est dans l’ordre de composition. J’ai eu une phase ultra inspirée. J’étais trop heureux de réussir à recréer des mélodies que j’avais entendu depuis toujours. C’était ultra satisfaisant d’avoir accès à ça.

Tu aurais des influences à citer ?
Il y a clairement des morceaux exclusivement trance, mais aussi des références des années 2000, comme « World Hold On » de Bob Sinclar par exemple pour son côté à la fois dance, mais mélancolique et nostalgique, en lien avec le personnage de mon album. Je citerais aussi « 7038634357 » de Square Heart, « Lost In Love » de Legend B., ou encore « Burn For You ( Club Mix) » de Kreo pour ce qui est des quelques autres influences de Little Somni.
Dans mon imaginaire, c’est Little Somni qui fait toutes les musiques et j’ai inventé une histoire au fur et à mesure que je composais.
Insomni Club
Quelle est l’histoire de ce fameux personnage Little Somni ?
Ce personnage arrivait petit à petit dans ma tête, je l’ai directement associé au projet. En fait, dans mon imaginaire, c’est Little Somni qui fait toutes les musiques et j’ai inventé une histoire au fur et à mesure que je composais. Ce personnage habite dans une sorte de néo-Tokyo, un peu à la Akira, un univers cyberpunk, un peu futuriste et dystopique aussi comme par exemple dans le manga Gunnm.
Il évolue dans un monde un peu sombre où l’humanité a oublié de ressentir par elle-même, d’avoir ses propres émotions, influencée par les écrans. Lui est DJ résident dans un petit club lambda, ni trop bien, ni trop mauvais, où il va tous les soirs. Et, chaque soir, sur la fin de son set, il passe les petites musiques qu’il compose chez lui dans sa chambre, à l’écart du monde extérieur.
Ce monde est détenu et dirigé par une société maléfique, Supernova, inspirée donc du nom de mon synthétiseur. Little Somni va faire la rencontre d’une fille qui est en quelque sorte la cheffe d’un mouvement révolutionnaire. Elle va tenter de le ramener à la réalité, l’aider à retrouver cette nostalgie perdue, comme un retour aux sources. Il va entrevoir à nouveau l’insouciance et l’innocence et va se retrouver à son tour comme une sorte de porte étendard contre cette machination, notamment à travers sa musique et des teufs underground, il va redonner de la magie aux gens.
Cette histoire est en réalité en deux parties et difficile à résumer dans un seul clip, mais « Supernova3 » raconte bien les choses. Le message finalement, c’est de vouloir dire que Little Somni n’est pas seul et que face à certaines réalités il y a l’amour et la magie, une mélancolie positive. J’ai inclus de petits clichés et des références que j’adore par ci par là, créant un petit peu mon univers, avec un côté cinématographique.
Dans ce personnage il y a une grosse part de moi même, de mon histoire d’amour personnelle et j’imagine que ça peut parler à plein de gens. Dans l’idéal, mon rêve serait de réaliser un film avec la suite de cette histoire. Pour l’instant, je compte la mettre à l’écrit et la raconter à mes ami·es !
Comment s’est déroulée la réalisation de ce clip ?
Cela nous a prit six mois. Il a été réalisé par Elias alias yungpvlt, un artiste basé à Stockholm, qui doit avoir une vingtaine d’années à peu près. Ce n’était pas évident car tous les échanges étaient en anglais, il fallait écrire le scénario scènes par scènes, les décors, etc. Comme je disais, j’ai intégré plein de détails que l’on peut voir si l’on est vraiment attentif·ve. Il y a des références à la pop culture, aux jeux-vidéos, à la culture nippone, etc.

Ce que j’ai essayé de faire dans ce projet, c’est de mettre l’émotion qui est en moi et qui pourrait parler à quelques personnes.
Insomni Club
En quoi ton album se démarque de la culture trance en général ?
Je ne m’en rends pas forcément compte. Pour moi c’est assez récent d’écouter ce style musical, et ça parait infini tellement il y a de sons ! J’ai été vraiment impressionné par cette richesse. Je pense personnellement que la différence est dans l’émotion. Dans la majorité des titres de trance, quand je fais des recherches, je ne trouve pas tellement de titres avec celle que je recherche, qui me touche.
Ce que j’ai essayé de faire dans ce projet, c’est de mettre l’émotion qui est en moi et qui pourrait parler à quelques personnes. Un sentiment de mélancolie, de naïveté, du romantisme, derrière cet aspect trance qui tabasse.
Peux-tu nous parler d’un ou des titres qui pourrait résumer cette émotion et cet état d’esprit ?
Par exemple sur le titre « S6 », le break au milieu. Là il n’y a plus de beat ni de mélodie, il y a un creux. À ce moment-là c’est comme si un projecteur s’allumait sur le dancefloor, sur dix personnes qui d’un coup se voient vraiment, ressentent la même chose, un moment suspendu dans le temps, une connexion qui finalement est plus puissante que mille personnes qui dansent dans le club.

Pourrais-tu citer un titre sur lequel tu t’es fait un kiff particulier ?
Sur le titre « Casca », je suis parti sur un mélodie médiévale. La Médévialerie c’est toujours quelque chose de parlant, de fascinant. À la base, cette chanson je l’avais appelée « Legolas » (rires) ! Elle me faisait penser à une scène du Seigneur des Anneaux où le personnage surfe sur son bouclier. C’est une mélodie que j’avais composé depuis plusieurs années, mais je n’arrivais pas l’adapter particulièrement à un style. Et avec la trance ça matchait totalement !
Au début du morceau j’ai quand même bien laissé durer la mélodie pour celles et ceux qui veulent en profiter un peu. Et pour info le nom « Casca » fait référence au personnage principal du manga Berserk, qui est une courageuse et redoutable combattante.
C’est le premier album sur lequel tu ne chantes pas, pourquoi ?
En réalité il y a un seul titre avec ma voix, sur « Lonelee ». Sinon, en effet cela m’a fait vachement de bien de ne pas chanter, de me concentrer uniquement sur les prods. J’ai pour habitude d’accorder beaucoup d’importance aux paroles et je me prends la tête avec ça. Ici, je me suis fait un kiff et je savais qu’en même temps je n’arrêterai pas tout ce qui est dans mon style de prédilection, c’est à dire plutôt la pop. J’ai juste mis ça de côté le temps d’un album. En fait ça m’a réellement fait du bien et ça m’a donné encore plus d’énergie pour chanter à nouveau, ça m’a nourri et je vais pouvoir raconter des choses nouvelles par la suite.

Étant installé dans le Pays basque, peux-tu nous parler de certains lieux là-bas dans lesquels tu as joué ou que tu affectionnes ?
Une salle où j’ai bien kiffé jouer c’est le Dabadaba à San Sebastian, avec une petite une scène qui rappelle un peu celle du bar de la Rock School Barbey, quelque chose d’intimiste avec une programmation alternative. Il y a aussi historiquement les Gaztetxe, je n’y jamais joué mais tu peux y trouver des programmations très underground ou plus variées voir même parfois électroniques, ou encore l’Atabal qui est une salle incontournable à Biarritz.
Peut-on finir sur tes prochains projets et/ou collaborations ?
Je compte repartir sur un album synth-pop et new wave, dans la veine années 1980, avec Marie, ma chérie qui chante dessus. Il va y avoir du clip aussi. Dans la production ça sera dans l’esprit d’Aqua, mon précédent album mais un peu plus poussé et plus saturé. Grâce à Little Somni je me sens plus à l’aise contrairement à certaines compositions qui étaient plutôt linéaires, j’arrive désormais à intégrer du breakbeat sur de la pop, chose que je ne faisais pas auparavant.
J’ai aussi un nouveau format live où je joue assis avec une longue toge blanche et un chapeau, en mode druide ou mage, avec les gens autour de moi, un peu en mode Boiler Room !
- Insomni Club est à l’affiche de la prochaine édition du festival UDADA, du 17 au 19 juillet, à Saint-Jean-de-Luz