Avant sa venue à Bordeaux à l’occasion d’Isulia, on a posé quelques questions à Mayou Picchu. DJ, activiste et créatrice de contenus : la Parisienne est notamment derrière l’initiative More Girls Behind Decks et Very Disco. À travers ses projets, elle défend une meilleure représentation des femmes au sein de la scène électronique actuelle. Ce sera d’ailleurs le thème de l’atelier qu’elle animera avec Marge et AVA MIND le samedi 8 novembre au festival Isulia, en partenariat avec Mewem.
Crédit photo de couverture : @coeursurvous
Le Type : Tu vas animer un atelier d’initiation au mix dans le cadre du festival Isulia ce week-end, avec notamment More Girls Behind Decks. Quel constat t’as amené à proposer ce type de format ?
Mayou Picchu : Le constat part du fait que je considérais que les femmes DJs sont en grand nombre pour moi, mais que leur parole est assez peu représentée. Le déclic a été de faire une interview avec LESSSS, dans le cadre de mon podcast Last Night A DJ Saved My Life. L’entendre raconter son parcours a été très inspirant et motivant. Et je me suis dis que chaque fille qui avait envie de se lancer devait écouter cette interview.
L’idée de More girls behind decks est donc de créer des espaces où la parole de ces DJs femmes résonne pour celles qui ont besoin d’entendre que c’est possible de se lancer et d’y arriver. Et que, non, il ne s’agit pas d’un domaine réservé aux hommes.

Ce que je préfère observer pendant les ateliers, c’est les filles connecter entre elles, échanger leurs contacts et tisser du lien.
Mayou Picchu
Comment se déroulent les ateliers que vous proposez avec More Girls Behind Decks ?
On commence toujours par une partie talk. Les DJs professionnelles qui viennent animer les ateliers y parlent de leur parcours : comment elles se sont lancées, quels obstacles elles ont pu rencontrer, comment elles ont trouvé leurs premiers gigs (soirées dans lesquelles il est possible de mixer, ndlr).
Ensuite, on a la partie pratique. On débroussaille Rekordbox le logiciel phare des DJs, et ensuite on passe sur les platines CDJs – le matériel professionnel qu’on retrouve le plus souvent en club. On apprend aux filles à faire une transition, elles s’y essayent toutes. J’y veille, c’est obligatoire : personne ne doit rester dans son coin ! Ce que je préfère observer pendant les ateliers, c’est les filles connecter entre elles, échanger leurs contacts et tisser du lien.


Généralement, quel est le profil des participantes à ces ateliers ?
En général des jeunes filles et femmes, entre 19 et 30 ans. Parfois évoluant déjà dans des domaines artistiques, ou pas, qui ont l’habitude de sortir et qui ont envie d’en savoir plus sur cette pratique opaque.
En vérité, c’est ce que j’aime dans mes ateliers et qui prouvent qu’on fait bien les choses, c’est qu’il n’y a pas de profil type. On arrive à toucher et rencontrer des filles tellement différentes, d’horizons complètement différents. Et de les faire connecter entre elles.
Paris, Bordeaux… Le format se développe-t-il ailleurs ? Comment aller à la rencontre de nouvelles communautés pour diffuser un tel format d’atelier ?
On a déjà fait Marrakech en juillet, et on a pour projet de faire Lyon et Bruxelles dans les mois à venir. La force pour se développer en dehors de Paris c’est de miser sur les acteur·ices des scènes locales, qui font vivre leur ville, et de s’associer avec eux.
Ils et elles ont une connaissance parfaite des communautés de leur ville et il y a déjà plein d’initiatives qui existent. Je trouve ça important d’unir les forces avec ces acteur·ices.
Le but c’est qu’à terme on puisse avoir un réel impact sur leurs programmations.
Mayou Picchu

En 2021 nous avions publié un article sur les questions de parité au sein de la scène électronique qui mentionnait plusieurs initiatives allant dans le même sens que MGBD. Quels sont aujourd’hui vos partenaires ou l’écosystème d’acteur·ices avec qui vous travaillez pour résorber les déséquilibres de représentation au sein de cette même scène ?
Nos partenaires, justement, ce sont les clubs, les festivals. Ce sont eux les premiers à pouvoir exposer nos initiatives de façon concrète au public. Le but c’est justement qu’à terme on puisse avoir un réel impact sur leurs programmations.
L’enjeu aujourd’hui c’est de trouver des partenaires qui comprennent le projet. Des partenaires qui n’ont pas envie de se l’approprier, de le travestir pour leurs intérêts – ou juste pour s’acheter une bonne image. Malheureusement, cela nous est déjà arrivé et nous avons stoppé la collaboration directement.
Avec Very Disco, il semble y avoir aussi une dimension recherche avec des contenus, articles, recherches, etc, dans le projet. En quoi cela est-il important de coupler la pratique des ateliers avec une telle approche de recherche ?
Oui, et c’est comme ça que le projet a commencé. On veut mettre la culture DJ, la culture club en avant et la rendre plus accessible au public et c’est pour ça que cet aspect de recherche est crucial et va de plus en plus se développer sur notre plateforme.
L’enjeu est de réussir à créer une vraie rampe de lancement pour celles qui veulent se frotter au DJing. Pour leur donner des opportunités concrètes, leur ouvrir les portes !
Mayou Picchu
Quels sont les projets à venir pour More Girls Behind Decks ?
Continuer les ateliers dans différentes villes de France et j’espère d’Europe. Surtout, développer la partie événementielle, pour continuer à faire mixer les filles qui viennent aux ateliers. Aujourd’hui, je vois vraiment le workshop comme le point de départ du projet. L’enjeu est de réussir à créer une vraie rampe de lancement pour celles qui veulent se frotter au DJing. Pour leur donner des opportunités concrètes, leur ouvrir les portes !
