Zoom sur L’Alternative Urbaine, une association qui porte un autre regard sur des quartiers méconnus de Bordeaux. Grâce à des éclaireurs urbains bénéficiant d’un accompagnement socio-professionnel, la structure réinventent des récits sur la ville.
Crédit photo de couverture : Denis Blanc
À Bordeaux et dans sa métropole, il existe une manière unique de découvrir les quartiers méconnus. Des explorations loin des clichés et du tourisme de façade. Depuis plusieurs années, l’association L’Alternative Urbaine propose des balades urbaines insolites, guidées par celles et ceux qui vivent ou connaissent ces quartiers de l’intérieur : les éclaireurs urbains. Plus que de simples visites, ces marches sont autant des expériences culturelles que des leviers d’insertion professionnelle
Des quartiers populaires mis en pleine lumière
Capucins, Bacalan, Grand Parc, Carle Vernet à Terre-Neuve, Bastide-Benauge… Les balades de l’Alternative Urbaine se déploient dans neuf quartiers de Bordeaux et sa métropole (Bègles, Floirac, Pessac, Cenon, Lormont). Tous ont en commun d’être parfois oubliés des circuits classiques, parfois stigmatisés. Pourtant, à chaque coin de rue, des surprises : la chapelle cachée du Crous, l’intérieur de l’Hôtel de la Monnaie, ou encore un potager partagé surgissent là où on ne les attendait pas. Même les habitant·es redécouvrent leur propre quartier à travers une autre perspective.

Ces balades, à prix libre, durent environ 1h30 pour un parcours de 2 à 4 kilomètres, et se font en petits groupes de 12 personnes maximum, sur réservation en ligne. Elles s’adressent avant tout aux habitant·es de la métropole bordelaise. Car l’objectif est clair : décloisonner les quartiers, casser les barrières physiques et mentales qui les entourent.
Les éclaireurs urbains : des quartiers racontés par celles et ceux qui les vivent
Ils s’appellent Frédéric, Karim ou bien d’autres. Ils ne sont pas guides, mais éclaireurs urbains. Leur rôle ? Créer et animer leur propre parcours, à partir de leur vécu, de leur regard et de leurs passions. Certains y injectent de la musique, du théâtre, du slam, d’autres y racontent l’histoire sociale ou architecturale du quartier, parlent des viviers associatifs ou des luttes.
Chaque balade est donc unique, parce qu’elle est le reflet de la personne qui la construit. Le parcours de Frédéric, par exemple, au Grand Parc, marque souvent les esprits : un voyage immersif au cœur d’une cité récente, sur les traces de l’histoire du quartier, des marécages à aujourd’hui.
Le parcours des éclaireurs dure 10 mois : 2 mois et demi de formation (théâtre, prise de parole, urbanisme, création de parcours) suivis de 8 mois d’animation. Derrière l’aspect culturel, il y a surtout un accompagnement socio-professionnel fort, en partenariat avec l’association ARE 33. Les profils sont variés : personnes en situation de handicap, allocataires du RSA, primo-arrivants, adultes éloigné·es de l’emploi… Tous et toutes viennent chercher un nouvel élan, un rythme de vie, une confiance retrouvée.

Impact social et nouveaux récits sur la ville
La transformation est tangible : 60 % des éclaireurs trouvent une sortie positive à l’issue du parcours (emploi, formation, projet personnel). À travers la parole, le contact, la valorisation de leur récit et de leur quartier, ils reprennent pied, deviennent acteurs de leur ville.
À l’heure où les représentations des quartiers populaires sont souvent stéréotypées, les balades de l’Alternative Urbaine offrent une réponse simple et puissante : venir, marcher, écouter, échanger. Se confronter physiquement à un lieu, s’ouvrir aux récits de celles et ceux qui le vivent, c’est déjà commencer à faire évoluer son regard.