Cultures du Cœur Gironde : rapprocher la culture des plus éloignés

Échange avec Cultures du Cœur Gironde qui facilite l’accès à la culture aux personnes qui en sont les plus éloignées, notamment les personnes en situation de handicap. Entre actions de terrain et animation d’un réseau de partenaires, l’association joue un rôle important au niveau local et national dans l’inclusion de toutes et tous dans le tissu culturel.

Cet article s’inscrit dans le cadre de la série d’articles Focus : Culture & handicap. La série a été rendue possible grâce au soutien du dispositif Adaptathon.

Le Type : Dans quel contexte est née l’association Cultures du Cœur Gironde ?

Cultures du Cœur Gironde : Cultures du Cœur est née en 1998, dans le contexte de la loi contre les exclusions. Le projet est parti d’un constat simple : près de 20 % de la population n’avait pas accès à la culture, alors même que de nombreux fauteuils restaient vides dans les salles de spectacle. 

À partir de ces éléments, l’idée s’est concrétisée en créant d’abord une billetterie solidaire, avant de développer des actions de médiation. En Gironde, l’association s’est implantée grâce à l’initiative de son créateur, ancien directeur de l’ANPE Spectacle à Paris, qui, après avoir constaté le manque de public dans certaines salles, a sillonné la France pour rencontrer des acteur·ices du milieu culturel et fonder des associations territoriales au plus près des personnes qui en avaient besoin.

Cultures du Cœur est un réseau d’associations créé pour favoriser l’accès à la culture des personnes qui en sont les plus éloignées, notamment pour des raisons sociales ou économiques. La culture, pour nous, c’est large : spectacles, arts, sport, loisirs… Nous animons ainsi un double réseau : d’un côté, des opérateur·ices du monde culturel avec lesquels nous négocions des places (spectacles, matchs, concerts…). Et, de l’autre, des relais sociaux, médico-sociaux et socio-éducatifs qui adhèrent à Cultures du Cœur et peuvent en faire bénéficier leurs publics sous forme d’invitations.

Enfin, chaque association est ancrée sur son territoire. Nous organisons des permanences directement dans les relais sociaux : c’est l’occasion de présenter la billetterie solidaire et le dispositif, de rencontrer les bénéficiaires et d’accompagner les référents sociaux dans la mise en place de l’action. En 2024, Cultures du Cœur Gironde compte environ 180 partenaires : 111 du secteur social ou médico-social et près de 71 partenaires culturels. En 2025 c’est à peu près 90 opérateur·ices du secteur culturel (spectacle, sport, loisirs) et 132 relais, plus de 200 partenaires.

Nous faisons des permanences culturelles : nous nous déplaçons directement dans les structures sociales ou médico-sociales pour rencontrer les personnes,

Cultures du Cœur Gironde

Comment définir vos missions principales ?

Notre première action historique, c’est la billetterie solidaire : nous négocions des invitations auprès des opérateur·ices culturels pour ouvrir l’accès à des personnes exclues économiquement ou socialement de la culture. La deuxième grande action, ce sont les « rendez-vous culturels » : des moments de médiation culturelle en petits groupes (10 à 15 personnes) issus de différents relais sociaux. On les accompagne chez un partenaire culturel qui les accueille pour une visite ou un spectacle. Un·e chargé·e de médiation est là pour animer, favoriser les échanges et rendre l’expérience accessible et conviviale.

Nous faisons aussi des permanences culturelles : nous nous déplaçons directement dans les structures sociales ou médico-sociales pour rencontrer les personnes, discuter avec elles, leur proposer des sorties à venir et lever les freins liés aux clichés ou à l’auto-censure (par exemple : « je n’ai pas besoin de m’habiller en costume pour aller à l’opéra »). C’est un vrai travail social d’écoute et de médiation.

Chaque année, nous organisons également un « pique-nique culturel » : une sorte d’auberge espagnole estivale très conviviale où bénévoles, partenaires, salariés et bénéficiaires se retrouvent pour partager un moment ensemble, sans formalisme.

Enfin, nous organisons le Festival Lier, un festival solidaire qui se déroule tous les deux ans et qui amène directement des concerts et des artistes dans les relais sociaux et médico-sociaux. C’est une action très forte en termes de lien social et d’inclusion culturelle.

Nous voyons de plus en plus de structures médico-sociales spécialisées dans l’accompagnement du handicap rejoindre le dispositif.

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Qui sont les publics bénéficiaires de vos actions ?

Les publics sont des personnes en situation de précarité ou d’exclusion sociale et économique : elles n’ont pas forcément les moyens ou l’habitude de fréquenter des lieux de sport, de loisirs ou de culture.

Elles peuvent aussi être en situation de handicap (physique ou psychique), en situation d’isolement, ou traverser des parcours complexes (mineurs non accompagnés, enfants accompagnés par l’ASE, personnes hospitalisées…). Elles sont toujours accompagnées par des structures spécifiques qui font partie de notre réseau. Nous voyons d’ailleurs de plus en plus de structures médico-sociales et spécialisées dans l’accompagnement du handicap rejoindre le dispositif.

En quoi l’action de Cultures du Cœur Gironde se distingue-t-elle de celle des autres antennes du réseau national ?

Nous nous distinguons surtout par nos actions de terrain : les rendez-vous culturels, les parcours métiers (des visites spécifiques pour découvrir les métiers de la culture et échanger avec les professionnels), et le Festival Lier.

Ces dispositifs de médiation culturelle vont au-delà de la simple billetterie : ils créent du lien, accompagnent les publics dans la durée et facilitent vraiment l’appropriation culturelle.

Pendant trois ans, nous avons travaillé en étroite collaboration avec des artistes pour créer un festival véritablement adapté aux publics accompagnés par les relais sociaux et médico-sociaux.

Cultures du Cœur Gironde

Comment est née l’idée du Festival Lier  ?

L’idée est née en 2018. Un collectif d’artistes appelé « Des Liens » voulait aller à la rencontre des publics éloignés de la culture. Ils nous ont sollicités pour réfléchir ensemble à ce qu’on pouvait mettre en place. C’est ainsi qu’est né la première édition du Festival Lier en Gironde. Pendant trois ans, nous avons travaillé en étroite collaboration avec ces artistes pour créer un festival véritablement adapté aux publics accompagnés par les relais sociaux et médico-sociaux.

Qu’apporte ce festival en termes de mixité sociale et d’inclusion ?

Le Festival Lier propose des moments artistiques beaucoup plus intimistes que des concerts classiques : les artistes se produisent directement dans les relais sociaux et médico-sociaux. Cela permet des échanges riches et humains, dans un cadre familier qui met les gens en confiance.

Depuis l’édition 2024, nous avons même développé des « in situ voisins » : les habitant·es des quartiers autour des structures sociales peuvent aussi y participer, ce qui favorise la cohésion et casse les clichés que certain·es peuvent avoir sur ces lieux ou sur leurs publics.

Le festival se conclut par un grand événement festif et gratuit ouvert à toutes et tous, qui réunit tout le réseau, avec ateliers, animations et concert final. Les bénéficiaires peuvent même devenir bénévoles du festival (buvette, stand, accompagnement…). Cela met en valeur leurs compétences et renforce la mixité et la solidarité.

Vous agissez également au niveau de l’accompagnement professionnel…

Effectivement nous accompagnons les travailleuses et travailleurs sociaux ainsi que les référent·es de nos relais. Il s’agit de les former à la médiation culturelle, de les sensibiliser aux outils du dispositif Cultures du Cœur et de les aider à lever les freins que rencontrent leurs publics.

Nous proposons des formations courtes. Par exemple, des demi-journées avec des ateliers pratiques, des « petits déjeuners de médiation » pour échanger entre professionnels, et des initiations en visio pour présenter le dispositif. Au niveau national, il existe aussi des formations plus longues, dont une certifiante d’une semaine.

Chaque année en octobre, nous organisons un « Forum Inter Partenaires » : un temps fort qui réunit opérateur·ices du monde culturel et relais sociaux. C’est l’occasion pour elles et eux de se rencontrer, d’échanger et de construire directement des projets ensemble, sans forcément passer par Cultures du Cœur. Nous jouons alors un vrai rôle de facilitateur.

Comme beaucoup d’associations, nous subissons le contexte économique.

Cultures du Cœur Gironde

Quels sont vos projets ou besoins pour l’avenir  ?

Nous encourageons les retours et les témoignages des partenaires et des bénéficiaires pour continuer à améliorer notre dispositif et rester au plus proche des besoins du territoire. Avec toujours l’espoir de continuer à développer nos actions et le nombre de personnes impactées sur le territoire girondin, notamment en zone rurale.

Pour cela nous devons pérenniser les postes de nos salariés et nous travaillons actuellement sur la recherche de mécénat et sur les appels aux dons. Comme beaucoup d’associations, nous subissons le contexte économique et nous avons besoin de renforcer nos partenariats financiers pour pérenniser nos actions.