Entretien avec Tom Martin, fondateur de Paraleclypse, un studio bordelais de distribution indépendant de films de court-métrage. Des festivals locaux aux diffuseurs internationaux, les séances Fractures proposées par le studio s’imposent dans le champ cinématographique local et bientôt francophone.
Le Type : Pourquoi être passé du festival à la salle ?
Tom Martin : Le festival est essentiel, mais ponctuel. Beaucoup de courts s’arrêtent là. Avec Paraleclypse, on vise une diffusion continue et réelle, en salle. Le temps long, l’expérience partagée. On a fait un prêt de 20 000 € pour construire un catalogue, acheter des droits et aller en festival mais surtout pour faire tourner ces films dans des salles indépendantes. C’est une manière de rendre le format visible au-delà du virtuel.
Le court reste un objet marginal auprès des publics.
Tom Martin (Paraleclypse)

En quoi le studio Paraleclypse est-il devenu un acteur clé du court ?
Je dirais qu’il existe un vide. La production de courts reçoit des financements de près de 15 millions d’euros par an via le Centre national du cinéma et de l’image animée, mais la diffusion est peu soutenue. Le court reste un objet marginal auprès des publics. Ce type de distribution n’est que « très peu » représentée.
Nous, on essaie de prendre ce relais : on achète des droits, on prépare des programmes, on cible des salles. On interagit avec des élu·es au niveau local en Nouvelle‑Aquitaine pour inscrire durablement cette forme dans les politiques culturelles territoriales. On parle aux salles, aux publics, aux producteurs : on joue un rôle de médiateur culturel.
Le succès du court-métrage Les Belles Cicatrices est-il prometteur pour les formats courts ?
Oui. Ce court-métrage d’animation de Raphaël Jouzeau, sélectionné à Cannes, a été diffusé sur ARTE, démontrant qu’un circuit alternatif peut toucher un large public. Et même devenir une vraie trend TikTok démontrant son impact aussi bien « cinéphile » que « populaire ».
Nous allons d’ailleurs contribuer à sa distribution en salle dans un programme de plusieurs court-métrages début 2026. Voir un format court rencontrer un tel succès populaire est vraiment encourageant pour la suite.
On cherche à créer des temps collectifs autour du format court. (…) Ce n’est pas tant une fuite numérique, qu’un choix politique : privilégier l’espace public à l’écran de poche.
Tom Martin (Paraleclypse)
Pourquoi ne pas privilégier le streaming, beaucoup moins coûteux ?
On mise sur le contact humain, pas sur les recommandations et les algorithmes. Chaque film est programmé pour une seule séance qu’on promeut. On fait ça hors des plateformes, en cherchant à créer réellement des temps collectifs autour du format court. Ce n’est pas tant une fuite numérique, qu’un choix politique : privilégier l’espace public à l’écran de poche.

C’est un rôle politique et culturel : affirmer le court-métrage comme un format à part entière.
Tom Martin (Paraleclypse)
Quelles ambitions pour l’avenir de Paraleclypse ?
On a eu une belle année ; de nombreuses diffusions à Cannes, Bordeaux, Annecy ou même Biarritz on veut consolider nos relais en Nouvelle-Aquitaine, ouvrir une antenne à Paris, aller vers d’autres territoires. Il faudra aussi interpeller les collectivités pour développer des aides à la distribution, pas seulement à la production. On a un rôle politique et culturel : redonner au court métrage sa place au sein du cinéma français.
